Le carrefour de la patrie

Ce midi c'est tout seul que vous devrez manger, votre femme, comme chaque lundi midi retrouve ses copines à la brasserie du coin afin de discuter de leur semaine et j'imagine tailler un costard à leurs patrons respectifs, sans oublier de raconter les derniers exploits de votre maladresse naturelle.


C'est pourquoi vous décidez d' aller rendre une petite visite à vos parents qui habite à deux pas de chez vous, mais vu le planning chargé de votre père, c'est votre mère qui vous accueille dans son petit appart qui est bien représentatif de la chanson de Renaud "la mère à titi", sauf que dans votre chambre, c'était plus un "entrevue" "à la place du New look" que vous cachiez honteusement sous votre lit.


Ce jour là, vous trouvez votre maman, lunettes de lecture sur les yeux, en pleine partie de cartes avec ses copines qui perpétuent la règle de vous poser un tas de questions pour en savoir un peu plus sur votre vie privée et avoir un ou deux scoop pour alimenter les potins du quartier.

Malgré leur curiosité agaçante et dérangeante, vous admirez l' habilité de leurs doigts artéritiques à manier les cartes et leur facilité à vous battre à pleine couture quand vous vous essayez (sur de vous) à une partie.

Puis vous vous retrouvez à passer la matinée sans même avoir vu le temps défiler, pour finir par être invitée à manger chez l'une des copines de maman, elle habite seule avec ses animaux au fond de la rue, juste en face du feu qui règle la circulation dense du carrefour de la patrie.

En entrant dans sa maison, une odeur de friture arrive à vos narines, sûrement due aux cuissons à base de saint doux dont raffole la septuagénaire, puis c'est entourés de journaux et de cartons que vous vous assayez sur une chaise déjà squattée par deux chats qui de par leur miaulement agressif vous font comprendre que vous êtes sur leur territoire.

C'est au milieu d'un taudis organisé ou poubelles et vaisselles font pièce commune, que la voisine met la table pour déguster une quiche aux poireaux du traiteur d'en face et par la même occasion, vous en servir une bonne part dans une assiette qui a du être considérée comme propre après avoir était léchée par l'un des deux matous colocataires.

C'est donc avec un certain dégoût, que votre mère et vous, vous lancez dans la redoutable expérience qui s'offre à votre estomac et assistez au terrible spectacle de voir la voisine avaler sa quiche entre deux bouchées de son chat qui ne veut apparemment pas laisser sa part.

Puis cette dernière se lève difficilement de sa chaise, pour ouvrir la porte grinçante d'une vieille armoire normande et en sortir un album remplis de coupures de presse et de photos diverses de voitures cabossées.

Elle vous présente avec fierté sa passion perverse qui est de collectionner les photos des différents accidents du carrefour dont elle s'est accaparée le rôle de gardienne et vous l'imaginez sans trop de mal passant ses journée la tête sur le carreau pour être la première spectatrice du moindre accrochage.

La visite de l'album effectué, vous êtes prêt à écrire un roman que vous intitulerez "l' accrochage du carrefour de la patrie" et c'est enfin que vous quittez la maison de la perversion pour retrouver votre appartement et vous dirigez vers votre ordinateur.


La dame de la patrie devient dans vos écrits une octogénaire ridée qui s'amuse à provoquer des accidents en détraquant, à l'aide de son voisin, les feux tricolores de son carrefour pour ensuite prendre des photos qui compléteront petit à petit son album photo, la partie de carte avec votre mère et ses copines se transforme en une partie de poker ou jeu d'argent et alcool coule à flot et c'est sûrement intimidée par le regard menaçant des vieilles dames que vous vous êtes fait battre par un bluff parfait....

16h30: Il est maintenant tant d'aller chercher vos petites têtes blondes à l'école...

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